mercredi 1 octobre 2008

GUY ALLOUCHERIE - Retour sur 15 jours de résidence

La résidence d'écriture de Guy Alloucherie s'est s'achevée après quinze jours très denses. Beaucoup de rencontres et d'échanges autour de la question « Art, Culture, Société et population », mais aussi autour des activités et des spectacles proposés par le fanal. Durant ces quinze jours, nous avons aussi beaucoup réfléchi à ce que l'on pourrait inventer pour que les populations se sentent plus concernées par l'Art. Mais aussi, à ce que les artistes pourraient inventer en considérant différemment les populations.
On s'est aussi beaucoup amusé du nouveau statut de Guy Alloucherie : stagiaire relations publiques au fanal. Il a en effet souhaité nous accompagner dans tous nos rendez-vous en plus de ceux qui avaient été organisés pour les expérimentations de sa résidence. Il nous a donc suivies dans nos permanences dans les Comités d'Entreprises, dans les maisons de quartier, à l'Université Inter Age, aux CEMEA, à l'ITEP...
Et puis il y a aussi eu des moments de « suspension », comme le jour où nous avons rencontré Claudine Cottain, directrice de ASC (Action Solidarité Création) qui nous a parlé de son projet avec le plasticien Gilles Saussier autour d'itinéraires de SDF dans Saint-Nazaire. Elle nous a aussi beaucoup parlé de jeunes qui « décrochent » et plongent dans l'errance. De trois morts violentes en l'espace du seul mois de juin. Et puis, après avoir mangé avec elle au Trait-d'Union, nous avons feuilleté les carnets de Claudine Henri, une femme qui vit dans la rue et un peu à l'hôtel quand elle a de l'argent. Guy en a parlé dans sa performance du lendemain. « Les carnets de Claudine Henri, à la manière de Sophie Calle ».
Que ce soit lors des rencontres ou des discussions qui ont suivies les soirs de performances, beaucoup d'idées, de réflexions, d'engagements et d'émotions ont été partagés par le public, Guy Alloucherie et l'équipe du fanal.

Véronique Leroux, animatrice au CEMEA nous a envoyé un compte-rendu de la rencontre entre Guy Alloucherie et une vingtaine de stagiaires au tout début de leur formation d'animateur. Ce jour-là c'est Angèle qui l'accompagnait.

Histoire d'une rencontre

Pour créer une rencontre, il faut... une rencontre !
Sur un quai de gare, par exemple. Un lundi, à midi. A Saint-Nazaire Angèle est là. Angèle Kurczewski est responsable des relations publiques au Fanal. La Scène Nationale, à Saint-Nazaire.
Elle attend. Ça tombe bien, moi aussi.
Le train a du retard. Encore mieux ! La conversation durera plus longtemps :
« Alors, cette rentrée ? »
« Guy Alloucherie revient en Résidence au Fanal »
« Guy Alloucherie ! Du Nord-Pas-De-Calais ? De la Compagnie H.D.V.Z. ? »
« Oui, et il reprend ses conversations avec les habitants, les animateurs des Maisons de Quartier, des Comités d'Entreprise, sur l'art, le peuple, la culture. »
« Et une conversation avec des animateurs en formation, c'est possible ? »

Oui, c'est possible ! Tout comme il sera possible d'avoir 10 places pour assister à la présentation d'un « chantier » en cours, la veille de notre rencontre.

Mercredi 24 septembre 2008. 19h. Nous sommes 10 au Fanal :
Jeremy, Emilie, François, Marie-Noëlle, Thomas, Sabrina, Fabien, Elodie, Emeric, et moi.
Nous entrons dans une petite salle, déjà plongée dans l'obscurité. Des chaises, des coussins au sol. C'est presque confortable.
A droite, à gauche, face à nous : 3 écrans. Sur l'un, nous verrons défiler des photos ; c'est l'album de photos, de ceux que l'on feuilletait en famille à une époque lointaine d'avant le numérique. Sur un second, des photos de paysages seront cette fois fixées, mais nous y verront aussi des personnages en mouvement qui racontent de leurs mains, de leurs corps, sans que leurs mots soient audibles, le parcours qu'ils ont effectué pour se rendre de chez eux au Fanal. Certains ont l'air de venir de loin, alors que d'autres semblent avoir à peine franchi 100 mètres. Le troisième écran face à nous donne à voir et à entendre des hommes et des femmes qui sont là, qui se montrent, dans leur quartier, posant devant leur porte, qui nous parlent de leur rapport à l'art, à la culture, à l'autre, à la société, à eux-mêmes.

Poésie, danse, graff, musique, photo, vidéo... Nous sommes là, nous 10, et quelques autres, installés, dans la petite salle déjà plongée dans l'obscurité, à nous laisser happer par l'univers de Guy Alloucherie. Du Nord-Pas-De-Calais. De la Compagnie H.D.V.Z.

Angèle a dit « Je vous préviens, ce n'est pas un spectacle. ».
Que de précautions ! Crains-t-on que nous éprouvions quelque déception ? Mais si ce qui va se passer témoigne d'une forme en cours d'élaboration, du tâtonnement comme ingrédient fabuleux du processus de création, c'est alors nous laisser pénétrer dans l'atelier de l'artiste et nous offrir dans cette découverte une proximité toute en subtilité.

Guy Alloucherie est là, derrière son micro. Musique et paroles. Son débit est rapide. Trop diront certains. Ses mots pas toujours audibles. Comme si il y avait tant à dire. Comme si pourtant il ne voulait pas tout nous dire. Mais pour autant continuer à dire. Sa famille. La mine. Là-bas, dans le Nord-pas-de-Calais. Ses frères et soeurs, qui ne comprennent pas toujours ce qu'il fait. Sa blague de potes et de bistrot. Histoire. Culture. Art. Peuple.
Guy Alloucherie, il le tend aussi son micro, vers ceux qu'on ne voit pas ou encore vers ceux qui accompagnement ceux que l'on ne voit pas. Il révèle la beauté cachée, l'engagement. Il se fait un devoir de mettre son art au service des citoyens.

Pendant 1 heure, nous étions partis en voyage.
Atterrissage autour d'un verre. Partage des sensations et déjà 1er contact avec Guy.

Fabien a dit : « C'est bien que les images nous arrivent de plein d'endroits, comme ça on prend ce qu'on veut. »
Marie-Nöelle a dit : « Mon petit moment de poésie, ça a été la danse. »
François a dit : « C'est où Tremblay ? »
Jeremy a dit : « Je n'avais jamais vu cette lumière sur le bois de Beauregard. »
Thomas a dit : « C'est dommage que l'on ne se soit pas arrêté sur le 1er portrait. Celui du poète. »
Elodie a dit : « Cette écriture, ça ne fait vraiment penser à Philippe Minyana »
Sabrina a dit : « La Chesnaie, c'est mon enfance. C'est là où j'ai vécu. Papa et maman y sont encore. »
Emilie a dit : « Le jeune du film, il est vraiment comme les jeunes de ma structure, avec leurs histoires de cité. L'idée aussi qu'il y a des choses qui ne sont pas faites pour eux. Par exemple, quand on les reçoit avec des petits fours, il se demande si c'est vraiment pour eux, s'ils peuvent se servir. »
Emeric a dit : « Je viens de voir un truc bizarre. »
Guy regarde. Ecoute. Répond. Tranquille.
Pour ce soir, nous nous en arrêterons là. Le lendemain, c'est avec l'ensemble du groupe que nous accueillerons Guy et Angèle.

Jeudi 25 septembre 2008. 9h. Les stagiaires installent la salle. J'attends nos invités en bas de l'immeuble.
9h20. Guy et Angèle arrivent. Oui, il y aura du café.
En haut, dans la salle, 20 personnes nous attendent. Les chaises sont en cercle ; les tables sont couvertes de livres. Le café est prêt. « Noir, sans sucre. ».
De la gêne, de la maladresse en introduction, et puis c'est parti.
Angèle suggéra : « Ceux qui étaient à la soirée, pourraient raconter ce qu'ils ont vu ? »
Ils raconteront. Ils écouteront. Nous échangerons. Pendant 2 heures. L'art, la culture, le peuple. Ils parlent de ce qu'ils ont fait, de ce qu'ils ont vu. De ce qu'ils n'osent pas faire. Ils posent des questions. Ils ne sont pas d'accord. Et peut-être pas si en désaccord que ça. Dans ces joutes orales, la vie frémit. Certains se tairont. Une autre manière d'être là. Ou pas.
C'est leur 2é semaine de formation. Ils n'ont jamais échangé ainsi. Ensemble. La présence de Angèle et de Guy y est pour beaucoup. Essentielle même. Tant il est vrai que l'intelligence crée de l'intelligence, et le talent... de l'appétence. Leur démarche politique, poétique suscite l'espoir de transformations sociales possibles. La langue insolite de Guy intrigue. L'espace de formation des CEMEA encourage les turbulences.

Guy Alloucherie, du Nord-Pas- de-Calais. De la Compagnie H.D.V.Z, et Angèle Kurczewscki, du Fanal, à Saint-Nazaire, avec la complicité de l'Art, fabriquent du lien. Et en prennent soin.

Jeudi 25 septembre 2008. 11h30. C'est la pause. Café, clopes. Lumière d'automne. Nous sommes dehors.

Angèle et Guy nous quittent. Ils sont attendus pour le déjeuner au Trait d'Union ! On croirait presque quils l'ont fait exprès.

Véronique Leroux
CEMEA Pays-de-la-Loire
28 septembre 2008

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